Apprendre le Vent [privé]

=> Couloir [Zanshisuru]

C'était le crépuscule.
Ou ce qui en tenait lieu en ses terres. Beaucoup s'imaginait Zanshisuru comme un monde terne, dévasté par la mort et la laideur des créatures qui le peuplait. Beaucoup songeait à la prison en ne l'imaginant que comme des couloirs humides, dont les murs étaient parcourut par des canalisations chuintantes de liquides usés et recouvert de crasse. Ce n'était pas le cas. C'était le pierre brute, propre et lisse, des couloirs droits... Tout le contraire de l'humidité régnante près des falaises et du froid persistant.
Il marchait toujours, droit devant lui, la main posée sur la garde de son épée. Lorsqu'il avait passé la porte de la Prison, deux ou trois soldats mineurs - ils ne se rappelait plus lesquels - lui avaient emboîté le pas. Mais, d'un geste de la main, il les avait renvoyé. Aujourd'hui, mue par il ne savait quel préssentiment, il avait dispensé sa garde personnel de venir mais, il le sentait, ils n'étaient pas loin,à l'affût, masquant avec précision leur présence, ne s'étant pas mêlés aux gardes de la prison.

Lui, comme un spectre de l'ancien temps, avec elle, pareil à lui, s'était arrêté devant le vide et, d'un mouvement sec, il déploya toutes ses ailes, les six qui lui donnait la puissance de voler, qui lui rappelait ce qu'il était et ce qu'il ne serait plus.
D'un geste sec, il se propulsa dans les airs. Il savait que, parfois, après une chute, un ange ne se relève pas et ne vole plus. Lui, il lui avait fallu deux ans pour trouver le courage de reprendre son envol, le temps que sa colère vrille chaque battement de son coeur. Elle, elle devait probablement savoir le faire. Mais, dans le doute, il s'immobilisa dans le vide et attendit sa présence près de lui, parer à chuter près de la mer pour remonter dans les nuages...

Miriel suivit l'ange jusqu'à la sortie de la prison, où quelques gardes voulurent l'accompagner mais le chef des kangokus leur fit signe de ne pas le suivre. Était-il toujours obligé d'être entouré de gardes, est-ce que tant de personnes voulaient porter atteinte à sa vie? Probablement, sans chef, l'armée de Zanshisuru n'irait pas très loin. Mais aujourd'hui, il est sortit seul, sans gardes, seul avec l'ange noire sur ses talons. Ils traversèrent une bonne partie de la ville, avant d'arriver à la falaise Gake. Erwan, devant elle, déplia ses grandes et élégantes ailes noires et d'une poussée, quitta le sol. Il s'arrêta un moment, attendant que Miriel le rejoigne. Elle avait beau connaitre le vent, il y avait des semaines qu'elle n'avait pas volé, et ses ailes endolories par le manque de mouvement aurrait sans doute un peu de misère à la supporter mais elle essaya tout de même. Elle déplia ses ailes, les agita un peu pour les dégourdirs. Sentir l'air sur ses plumes ébènes lui faisait grand bien. Elle se donna une poussée mais une douleur sous son omoplate l'empècha de s'élever dans les airs. Elle se secoua un peu, retenta de s'extirper du sol et réussit enfin.
Elle adorait la sensation de légèreté et de liberté qui se dégagait quand elle ne touchait plus au sol. Elle se demanda soudain comment elle avait fait pour vivre tout ce temps dans la prison sans profiter de l'air et du vent pour voler. c'est vrai qu'après son séjour de deux cent ans en enfer, Miriel avait eu beaucoup de misère à réapprendre à voler, en fait, elle avait eu beaucoup de misère à réapprendre à vivre, elle essayait toujours d'y parvenir. Elle parvint à la hauteur d'Erwan et créa une bourasque de vent sous ses ailes pour s'élever plus haut, sans effort. Sntire la force du vent à nouveau... Elle s'en délectait à chaque fois que le vent caressait ses ailes. Elle jetta un regard à l'ange noir plus bas, redescendit à sa hauteur et lui demanda:

"...Alors que vouliez-vous me montrer?"

Il inclina le visage.
Comme pour la saluer.
Le vent dans ses plumes, le vent autour de lui, le vent à l'intérieur de lui. C'était ça nature, cela, ça nature, ce qu'il était. Pourquoi, il maîtrisait la glace. Le givre se déployant, la neige recouvrant le sol de sa couverture délicate, les mains froides d'une amante de glace sur son dos, mordant sa chair... Le froid, c'était du vent à l'état pur, pour lui. Du vent comme seul les poumons des anges peuvent savoir le respirer avec respect. Le ciel, c'était un abri, un ami, une amante. C'était plus que ce qu'ils avaient perdu, déchus qu'ils étaient.
Pourquoi ne voyait-il pas cela transparaître dans ses mouvements, cette sensation d'accord avec soi-même ? Avait-elle donc perdu plus que l'amour de l'air en chutant ? Quel tribu avait donc pris l'enfer sur elle ?
Apparemment, il allait devoir lui apprendre plus qu'il ne pensait devoir le faire.

Il ne répondit pas tout de suite; les mots ne servaient pas toujours la cause des gens qui les prononçaient, lui avait apprit le temps. Il s'éleva donc, faisant preuve d'autant de grâce sur la terre que dans les airs, comme tout les anges, qu'importe la caste à laquelle ils appartiennent.
Erwan Trestann. 'Pour la tristesse que son passage avait laissé dans les âmes.' Etait-ce de la tristesse ce qu'il avait laissé, ou de l'amertume, de la rancoeur de ne pas avoir été capable de se défendre ?
Il monta encore peu puis se retourna et, fixant l'ange sous lui, adaptant sa vue comme le font les anges dans les Cieux, soupira et abaissa ses prunelles : il soupira, croisa ses bras sur son torce de façon à attraper ses épaules et les battements réguliers de ses ailes cessèrent.
La gravité fit le reste.
Il resta un temps immobile avant de ralentir puis de chuter, son corps pivotant de façon à ce que son visage soit vers le bas, vers la mer qui lui tendait les bras. Il avait les yeux fermés, ne laissant que son instant d'ange lui dire quand il devrait réouvrir ses ailes, sous peine de mourir - ou de subir ce qui ressemblait le plus à la mort. Si son instinct ne fonctionnait pas, se pouvait-il dire être encore un ange ? Et, lentement, il sentit la fraicheur des eaux marines, son odeur, innonder l'air où il se trouvait. Il déploya ses six longs membres plumeux et se laissa planer sur le dos, ne voyant pas que l'eau tumultueuse se trouvait à quelques deux mètres sous lui...
Il remonta, paresseusement, ouvrant enfin les yeux sur la déchue au nom inconnue - ou qu'il ne se rappelait plus.

"Je ne te montrerai rien, tu devras voir par toi-même..." Il fit reprendre à ses bras une place naturelle. "Mais je peux te faire voir les étoiles qui guideront ton chemin. Dis-moi ce que tu regrettes des Cieux."

L'ange noir la regarda, sembla lui reprocher quelque chose, toujours sans dire un mot. Il s'éleva dans les airs et arrêta de battre des ailes. de son point de vue, avec la lueur du jour qui tombait, Miriel ne voyait presque juste une forme sombre sur un ciel coloré, comme une tâche d'encre sur du papier, une irrégularité. Il se laissa tombé, ne battant plus des ailes dirrigeants sa tête vers l'eau, accélérant à grande vitesse. À quelques mètres de l'eau, il ouvrit soudainement ses ailes dans un grand geste théatral, comme un troubadour saluerait son public. Sa grace et son intuition étaient presque parfaites, si elle ne l'étais pas. Il remonta tranquilement jusqu'à l'ange. Miriel avait l'impression qu'il ne savait pas vraiment où il allait qu'il était un peu perdu. Quand il arriva à sa hauteur, il lui dit qu'il ne pourrait rien lui apprendre, seulement huider ses pas vers la connaissance. Puis il lui demanda ce qu'elle se rappelait des cieux...

" Les cieux? Le ciel était quand j'étais gamine mon seul compagne, ma soeur mise à part... Si je ne passais pas ma journée à voler, c'est que quelque chose n'allait pas. Le ciel m'a tout appris, le ciel c'est ma mère c'est mon père, c'est une grande partie de moi, je suis le ciel et le ciel est moi. Je me rappelle aussi les nuages, ces goutelettes d'eau qui vous chatouillent le visage lorsque vous les traversez, cette douce sensation de ne faire qu'un avec l'air qui vous entoure, d'être l'air qui vous entoure, de vous laisser guider par lui... Mais tout ça c'est du passé, maintenant je me sert du vent pour m'élever, pour retrouver un peu de cette paix qui un jour avait été mienne, pour pouvoir la ressentir sans pouvoir la saisir... "

L'ange avait maintenant les yeux pleins d'eau, elle avait parlé avec conviction et foi de ses souvenirs, mais à la simple mention qu'il avait disparus, toute trace d'espoir s'effaça, laissant un visage vide et froid, empli de souvenirs sombres et sans buts.

Pendant que 4 de ses ailes battaient, les deux autres se secouaient spasmodiquement, se débarassant de l'eau salée que les embrums avaient gorgé entre ses plumes sombres, couleur d'un ciel de tempête. Son dos aussi était humide, mais, cela avait-il réellement une importance ? Qu'était l'eau pour un être plongeant dans les nuage ? Le ciel regorgeait de plus d'eau qu'un océan, et cette eau était plus pure et plus transparente que le cristal. De la lumière liquide...
Il croisa les mains sur sa poitrine et s'assit en tailleur dans le vide, les pans de son manteau pendant de part et d'autre de ses cuisses, droit et fier, comme tout ange.

Tout deux n'étaient que deux ombres sombres, comme deux démons incarnés sur terre. N'y avait peut-être que la blancheur de leur peau, la beauté de leurs traits pour les différenciers des démons, Parjures qu'ils étaient.

"Et qu'est-ce qui a changé ? Tu n'es plus une des Lumineuses, ni une guerrière Angélique, tu n'as plus l'accès aux Cieux, tu ne verras plus la lumière de la Déïté, mais n'es-tu pas encore vivante ? N'as-tu pas un contrôle sur ton destin ?" Il fronça les sourcils, mais se retînt de poursuivre.

Elle était comme un animal sauvage, fuyant, appeuré mais tellement courageux en même temps. Crier ? Il parlait déjà tellement rarement qu'un mot de sa bouche était pour certain la pire des punitions. Il la regarda, la détailla encore et encore, ses yeux couleur de crépuscule fixant ses ailes, admirant les défauts que la mort avait effacé sur cette ange.

"Tu es tombée, mais ne gardes-tu pas les attributs d'un ange ? Je ne te dirai jamais de profiter de ta condition, nôtre nature nous l'interdit, mais ouvre les yeux : n'avons-nous pas mérité de ne plus souffrir ?"

Il ferma les yeux et baissa le visage, comme s'il était abattu... Mais le releva aussi vite, refixant les yeux de l'ange.

"Ils ont toujours compté sur nos regrets pour nous punir des fautes que nous n'avons pas fait."

Erwan s'assit dans le vide en face d'elle, en tailleur, exactement comme s'il y avait le sol sous se jambes, sauf que son manteau tombait de chaque côté de son corps, pendant vers l'eau sous les deux anges.
Il se mit à lui parler de leur conditions, qu'ils étaient encore vivant malgré leur chute, qu'il faut cesser de vivre dans le regrets et les doutes qui nous ont fait tomber, qu'on avait déjà assez souffert...
" Je ne sais pas si je mérite de ne plus souffrir, ni même si je mérite encore cette vie qui anime mon corps. Je ne t'ai pas tout dit à propos de ma chute, il y a certaines circonstances qui me font douter du fait que je sois encore viviante, si je le suis réellement."
Miriel avait la mine basse, regardant les vagues sous leurs pieds, pour éviter de croiser le regard azur trop perçant du déchu devant elle.
" Je ne suis pas tombé parce que j'ai douté de dieu, ce ne sont pas mes doutes et mes regrets qui ont causés ma chute, mais ma propre faiblesse, je ne sais pas si j'arriverai un jour à me le pardonner..."
Les yeux de Miriel commencèrent vite à se remplir d'eau en repensant à son séjour dans les abysses de la noirceur du royaume de satan, les yeux suppliants de sa soeur ne demandant qu'a être libre... Elle se secoua un peu et chassa se souvenir agressant de ses pensées.
" Je... je ne sais même plus qui je suis, je ne suis plus certaine de rien, le ciel pourrait être terre et la terre être ciel que je ne m'en serais même pas apperçu... "
L'ange noire hésitait beaucoup avant de lui parler de sa chute, elle avait très honte de ce qu'elle avait fait, et elle ne voulait pas vraiment en parler, encore moins avec quelqu'un de sa race. LA honte qui bouillait en elle la faisait se taire et refouler les sentiments qu'elle voulait recraché pour s'en libérer. Mais le besoin de parler l'emporta sur la honte de l'ange.
" Je suis tombée parce que, il y a environ 210 ans, il y eut une guerre énorme entre les anges et les démons, et j'y participais. Pendant cette guerre, les démons tuèrent presque tous les anges, et nous firent prisonnières, moi et ma soeur."
Le souvenir de cette guerre, de la cellule lui donnait des frissons dans le dos et elle avait de la misère à se retenir pour ne pas éclater en sanglots.
" L'élu de Xalarthu, pendant environ 180 ans nous a torturées, moi et ma soeur, et au bout de ses 180 années, j'ai cédé......"
Miriel n'avait pu finir sa phrase, des larmes coulèrent le long de ses joues, les souvenirs vifs retournaient le couteau dans la plaie béante de son coeur.

Oh Dieux !
A qui parlait-il donc ? A une traître, une livreuse de secret, une paria ! Que lui importait alors lui d'être un Parjure ? Il s'était parjuré en doutant, elle l'avait fait en livrant des secrets... Mais elle parlait d'une guerre qu'il ne connaissait pas, à laquelle il n'avait pas participé... Que savait-il réellement des conditions dans lesquelles elle avait livré ses secrets ? Rien, il ne pouvait donc pas se permettre de juger... Il n'avait pas connu la torture réelle, si ce n'était en ayant sentit son ventre s'ouvrir sous le coup d'un poignard. Il avait sentit son ventre s'ouvrir puis tomber, les serres et les crocs de la mort se resserrer sur sa gorge et son corps, le froid et les ténèbres de la fin se refermer sur son coeur. Puis il était mort, et s'était élevé au rang d'ange... La mort pouvait-elle être comparable à la torture ? C'était peu probable... La torture est la douleur se répétant encore et encore... sans fin... Il ne pouvait pas lui en vouloir, la douleur était ce qu'il y avait de pire.

"Je comprend" et cela était vrai "Mais la torture que tu as subit n'a-t-elle pas déjà puni cette traîtrise dont tu as fais preuve ?" Il soupira "Moi j'ai déchu, tout simplement. Je me moque de savoir pourquoi ou de me le rappeler. Je suis ici et je vis encore. J'ai payé ma chute."

Son regard se fit percant, profond et sage, mais à la fois tellement meurtrier, semblant la dévêtir entièrement... Que pouvait-il bien manquer à cette ange pour qu'elle se retrouve de nouveau entière et parfaite, comme avant, mais changée pour garder en mémoire le souvenir de ce qu'elle a été après sa perfection. Elle avait certe trahi des gens, mais ne s'était-elle pas trahi à la fois ? Mais lui, que savait-il de la traitrise ? Bah... c'était simple : il était lui même un traître, mais dans une mesure plus faible.
Et il eut le déclic.

"Je te pardonne et ma voix porte celle de toutes les personnes que tu as pu trahir. Ceci fait, ne peux-tu donc pas te pardonner à toi-même ?"

Miriel redoutait la réaction du déchu comme s'il avait été dieu lui-même, comme si c'était un être suprème qui pouvait la chatier de tous les maux du monde, comme dieu l'a déjà chatiée.Mais ce ne fut absolument pas le cas. Au début il en semblait offenser, son regard se fit légèrement accusateur, mais il ne dégageait aucune haine. Puis Miriel remarqua qu'il réfléchissait...À quoi? Elle ne pouvait pas lire dans les pensées des gens. Puis son regard se fit compréhensif et il dit qu'il comprenait. Miriel se demanda un instant s'il était vraiment sérieux, quelqu'un pouvait-il vraiment la comprendre? Peut-être pensa l'ange, peut-être que la pâleur de son visage cache une âme aux couleurs vives, pleine de compassion et de respect.

Ensuite, il lui parla de pardon. Il lui pardonnait pour tous ceux qu'elle avait trahi et lui disait qu'elle devait maintenant se pardonner à elle-même.

" Me pardonner?" chuchotta l'ange, ce n'était pas vraiment une notion à laquelle elle avait pensée depuis sa chute. elle essayait plus de comprendre ce qui lui arrivait, de comprendre purquoi elle était tombé, pourquoi le père ne les avait-il pas sauvés, pourquoi n'avait-il rien fait.

" Je pourrai me pardonner le jour où l'on me garantira que notre père ne pouvait rien à ma situation, le jour où l'on m'affirmera qu'il a essayé de nous aidé moi et ma soeur..."

Miriel ne savait vraiment plus pourquoi elle avait parlé de tout cela au chef des kangokus, en fait, peut-être avait-elle seulement besoin d'en parler à quelqu'un qui pourrait la comprendre qui est passé au travers des mêmes épreuves qu'elle. Il était tombé, comme elle, mais il y a un moment déjà. Lui, il avait compris que de se torturer l'âme pour des choses sur lesquelles nous n'avons aucun pouvoir ne fait qu'empoisonner la seule vie qu'il nous reste, éternelle et sans limite.

" Dieu... je sais bien qu'il a le pouvoir sur tout, pas la peine d'essayer de me le cacher, j'ai été une de ses filles moi aussi... Je sais qu'il aurrait pu faire quelque chose en fait, je le sais au plus profond de mon être, mais je suis blessée et profondément marquée, parce qu'il n'a rien fait, il n'a même pas daigné m'apparaître pour me dire de ne pas lâcher, que le soleil brillerait à nouveau sur mon visage, que je reverrais bientot le bleu du ciel et la blancheur des nuages, que je sentirais bientôt sous mes ailes la douce caresse du vent qui nous enivre et nous emporte..."

Miriel, en se remémorant sa vie d'ange, avait les larmes aux yeux. Tout le bien-être qu'elle pouvait trouver au ciel lui manquait énormément, la douceur de la vie dans les cieux, la chaleur d'un être qui nous aime... tout cela lui manquait cruellement. Certes elle avait encore sa soeur, mais elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, traumatisée par sa chute.

Il ne pouvait rien faire de plus.
Il aurait pu la secouer, la gifler, la regarder avec douceur, lui sourire, la couvrir de gentillesse, cela n'aurait rien changé. Comme il l'avait dit, il ne la guidait pas sur le chemin, il lui montrait juste. C'était elle après qui devait choisir les carrefours, faire attention au cul-de-sacs, ... Il était une lumière, pas un guide. Il éclairait, rien de plus. Et cela, même la mort ne pouvait y faire quelque chose. Il la fixa de nouveau, de la peine dans les yeux. Avait-il un jour ressemblé à ça ? A un être aussi cruel envers sa personne ? Il n'éprouvait pas un véritable amour pour lui-même, mais il savait qu'il ne pouvait pas s'en vouloir pour cela. Ce n'était pas de sa faute. Humain, il avait apprit à raisonner, apprit à apprendre, à savoir et à faire preuve de logique. Ange, il n'avait eu qu'un questionnement intérieur sur quelque chose. En mourrant, on lui avait retiré ses sentiments, sa capacité à penser par lui-même. Etait-ce cela, le bien ? En y repensant, il avait songé qu'il avait bien fait de douter, même si le prix avait été sévère.

Maintenant, il ne ressentait presque plus les pulsations d'envie des Cieux qui autrefois torturaient son esprit. On les avait drogué à l'amour pour Dieu, on les avait enfermé dans l'esprit d'une servitude obligatoire et extrème, qui enfermait même une obligation de pensées. Il s'en était détaché, il s'en sentait mieux. Il devait donc aider l'ange.
Mais, en ce jour, il devait faire quelque chose d'important pour lui.

"Je ne suis qu'une lumière, pas les marques d'une route à suivre. Je t'ai dis que je te montrerai la route, à toi de suivre la voie que tu désires prendre." Il marqua une pause, en profitant pour se redresser et s'étirer avec souplesse. "Mais juste une chose. N'as-tu donc pas retrouver ce ciel, ce soleil, ces nuages et cette lumière que tu aimais tant ?" et c'était une question réthorique. Il la fixa avec toute la profondeur dont il pouvait faire preuve. "Je dois partir. Mon Second commande l'armée, je me dois de me rendre quelque part"

Il défroissa son manteau, agita ses ailes pour gonfler ses plumes, posa sa main sur son épée. Se remettant droit, il inclina la tête devant l'ange devant lui, pas comme on salue un soldat mineur, mais comme on salue une connaissance. Car, puisqu'elle savait par quoi il était passé, il pouvait lui concéder une part de son existence.

"Capitaine" Et cela devint le grade de l'ange "Vous avez vos obligations à remplir."